Farah RAMZY : Les échos du passé : militants étudiants égyptiens entre révolution, répression et mémoire

Dans le cadre du séminaire du GEO Groupe d'études orientales, slaves et néo-helléniques, Farah RAMZY a présenté le mardi 13 décembre ses travaux sur la jeunesse étudiante égyptienne et la mémoire de ses mobilisations, qui ont fait l'objet d'un article récemment publié dans Middle East Critique.

Farah Ramzy est maîtresse de conférences au département d’études arabes de l’Université de Strasbourg. Ses recherches portent sur les mobilisations sociales, la sociologie de la jeunesse, l’enseignement supérieur, et la socialisation politique dans le monde arabe contemporain, et tout particulièrement en Egypte.

Dans son intervention, Farah Ramzy s’est appuyée sur un travail de terrain effectué à partir de 2014 qui l’a conduite à s’intéresser à la mémoire des mouvements étudiants, importants acteurs de la révolution égyptienne de 2011. Quels sont les thèmes, les figures et les motifs de cette mémoire des contestations estudiantines antérieures ? Comment s’est-elle transmise ? Quels usages en ont été faits, aussi bien par les militants étudiants égyptiens, que par le pouvoir, soucieux d’éviter que leur mobilisation ne « déborde » sur d’autres secteurs de la société ?

L’enquête rigoureuse menée par Farah Ramzy met en valeur l’importance du souvenir des « années 70 », devenues le symbole d’une période de mobilisation intense, âge d’or du militantisme associé à des chansons, des slogans, des images et des figures marquantes, qui ressurgissent à la faveur de l’élan de 2011 et sont réappropriées et transformées par une génération de « nouveaux entrants » en politique. A la fois « ressource » et « fardeau », les souvenirs tronqués ou remodelés qui constituent cette mémoire des protestations étudiantes – dont les plus anciennes traces remontent aux années 1930 – circulent par le biais des rassemblements intergénérationnels inédits qui se constituent place Tahrir en 2011, mais aussi dans les organisations de la société civile ou via des productions culturelles nombreuses – films, romans, mémoires, chansons, qui en gardent la trace.

La mémoire culturelle nourrit ainsi des imaginaires politiques divers, ceux des nouveaux militants, se percevant à la fois comme « héritiers » et passeurs », mais aussi ceux d’un pouvoir répondant aux mobilisations depuis près d’un siècle par le déploiement d’un appareil de répression de plus en plus sophistiqué : le recours, à partir de 2014, à des sociétés de sécurité privées marque de ce point de vue un tournant, en faisant de l’université l’un des terrains avancés d’une reconfiguration autoritaire intégrant pleinement les mécanismes du marché.

En savoir plus : Farah Ramzy, "Echoes of the Past: Egyptian Student Activists between Revolution, Repression and Memory of the Student Movement", Middle East Critique, 31/1, 2022, p. 1-19.

Farah Ramzy, "La répression des étudiants en Egypte : expansion et diversification d'un dispositif historique", Pôle Sud, 53/2, 2020, p. 37-52.